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EPISODE N° 51 – Viens voir ! J’ai un truc dans le coffre…

Illu51Que ceux qui pensent à True Detective en lisant ce titre arrêtent tout de suite de regarder des Tarantino avant d’aller se coucher (Et si vous ne connaissez pas True Detective, courrez vite le voir).

Pour ceux qui s’imaginent une voiture chargée du ravitaillement hebdomadaire, qu’ils vont devoir se coltiner jusqu’au frigo, qui leur rappellera au passage que cela fait trois mois qu’ils doivent appeler Darty pour régler ce problème de givre dans le congélo avant
« qu’onpuisseplusfermerlaporteetqu’onvatoutjetersiçacontinue », et
« etc’estcommelafuitedelasalledebaintucroisquellevasereparertouteseule ? », je n’ai
malheureusement aucun conseil valable.

C’est pas un peu pénible ces phrases sans espace entre les mots, non ? Quand je pense que jusqu’au 7ème siècle tous les textes étaient écrits comme ça… Tu m’étonnes que personne ne lisait !

Et enfin pour ceux qui pensent aux cadeaux d’entreprise de fin d’année, je dis bravo. Je pense aussi que, soit, ils en ont reçu un hier, soit, ils ont triché, mais là n’est pas le propos.

En effet, la première fois que j’ai reçu une belle caisse de pinard, ça s’était passé à peu près comme ça :

« Eh Lyrkhan, j’ai un truc dans le coffre à te livrer ! »

« Ben, allez voir le chef de chantier, il vous dira où livrer ? »

« Non, non, c’est pour toi, cela n’a rien à voir avec le chantier »

« Ah ? Et en quel honneur ? »

« Ben, c’est la nouvelle année, on offre un petit cadeau à nos clients préférés, pour les remercier de nous faire travailler ».

Une petite alarme intérieure m’a bien signalé que c’était quelque peu étrange, mais comme mon chef de l’époque avait apparemment neutralisé depuis longtemps son système de détection de franchissement de ligne blanche de déontologie, je me suis dit que c’était normal et qu’il fallait accepter ce cadeau. Voire même qu’il aurait pu s’offenser que je refusasse.

Evidemment, d’autres m’ont depuis appris que l’on avait le droit de le faire (refuser le cadeau pas offenser les fournisseurs, tant cette dernière pratique reste encore assez courante sous nos tropiques), ou de le partager avec ses petits collègues qui n’avaient pas encore atteint le statut de « mecqueçaseraitbienqu’ilaituncadeauparcequonpourraitavoirbesoindeluiunjour » (allez promis j’arrête, en plus ça fout le bazar dans l’alignement des paragraphe et ça m’angoisse un poil).

Mais ça ! C’était avant !

Avant les chartes de déontologie, les suspicions de corruption, les  ABS (Abus de Bien Social, pas les freins de bagnoles évidemment), toute cette artillerie de règles et lois, qui font qu’on se pose trois fois la question avant d’accepter un verre d’eau d’un fournisseur un jour de canicule !

Maintenant que j’ai pris les mesures oratoires déontologiques nécessaires à l’apaisement du peu de conscience qu’il me reste je vais pouvoir me livrer au grand plaisir de me replonger quelques années en arrière. Années fastes pendant lesquelles, il était courant de
s’échanger les bons vœux les bras chargés de cadeaux divers.

Je dois même avouer qu’il y avait une sorte de concours tacite entre conducteurs de travaux pour mesurer à la hauteur des piles accumulées derrière nos bureaux, combien nos chers fournisseurs et partenaires tenaient à nous.

Le plus souvent, il s’agissait de bouteilles de vin ou de champagne, qui assuraient la mise de fond d’une cave digne de ce nom. Avec une légère préférence pour les fournisseurs prévoyants qui pensaient à faire leur livraison avant la 5ème semaine.

Pourquoi ? Juste pour pouvoir faire le quéqué chez belle maman, quand j’arrivais au réveillon avec un Ruinard et/ou un Aloxe-Corton pas piqué des hannetons.

« Holalala, fallait pas, vraiment c’est trop… »

« T’inquiète, ça m’a pas coûté une paille, et puis j’ai quelques points à récupérer avec ta fille alors si tu pouvais lui passer le message que je suis un mec bien… » « Oh pour vous belle-maman rien n’est jamais trop pour vous faire plaisir… »

Oui, à défaut d’être un mari respectable, je sais parfaitement être le gendre idéal !!! Et quitte à passer de longues heures à table, autant les occuper à picoler autre chose qu’une bouteille d’un « petit producteur qu’on connaît », euphémisme pour le pinard pas cher et très moyen qu’on refourgue à toutes les occasions.

Bon c’est pas en train de virer œnologie de comptoir mon truc, là. Vous trouvez pas ?

Allez je me concentre. Qu’est ce que c’est-y que je voulais vous raconter au début. Ah ben oui, les cadeaux de fin d’année quand ce n’est pas du vin ou du champagne (plus rarement du foie gras).

Et, clairement, les fournisseurs se déchaînent d’inventivité.

Je ne peux m’empêcher de penser à Desproges et son sketch sur les cadeaux de fin fête des
mères. Eh ben voilà, je peux le crier haut et fort aujourd’hui, les cadeaux de fin d’année sont aux entreprises ce que les colliers de nouilles sont aux parents, moins l’excuse de n’avoir que 6 ans.

Non mais c’est vrai quoi !

Vous n’en n’avez pas marre de vos clés USB avec votre joli logo dessus ? Et si encore vous
pensiez à y mettre un peu de contenu dans votre clé ? Je sais pas moi, des articles sur des innovations, des catalogues de produit en ligne avec un rabais pour les 500 premiers clients ? Enfin quelque chose d’un tout petit peu personnel et travaillé.

Vous n’en n’avez pas marre de vos stylos avec le bout en caoutchouc pour les écrans tactiles avec votre joli logo dessus ? Quitte à faire du « connecté » pourquoi pas créer une petite appli toute simple sur laquelle votre équipe aurait tourné un film pour les bons vœux ?

Vous n’en n’avez pas marre des lampes/stylos/fluos avec votre joli logo dessus ? Mais si, celles qui marchent juste le temps que la petite nièce de deux ans à qui vous avez offert ce magnifique objet vous colle un bon coup de laser dans les yeux, se le fasse arracher des mains par sa mère furieuse, pestant contre le « con qui offre des jouets débiles » suffisamment fort pour couvrir les pleures de l’enfant frustrée et pour que vous l’entendiez quand même. Vous voulez de la lumière ? Eh bien faites la quinzaine du blanc :
« Quinze jours pour des devis sans arnaque ou coup fourré »

Vous n’en n’avez pas marre des calculatrices/convertisseuses d’euros avec panneau solaire et votre joli logo dessus ? Heureusement on en a arrêté la production, mais si des nostalgiques du Franc sont intéressés j’en quelques caisses au fond de mes tiroirs qui ne demandent que l’élection de Marine pour retrouver toute leur utilité. (Ne vous marrez pas, elle fait aussi la conversion inverse (€uro –> Franc) c’est pratique non ? (la Calculatrice, par Marine, elle fera rien du tout (à part me faire sérieusement poser la question de rester citoyen français…)))

Vous n’en n’avez pas marre des petits chargeurs/porte téléphone USB aux formes  originales façon « la gerbe » avec votre joli logo dessus ? Ces espèces de binious protéiformes dans lesquels vous projetez l’espoir que je le poserai sur mon bureau comme un trophée glorieux, permettant au passage de faire voir à chacun de mes visiteurs votre joli logo dessus.

Vous n’en n’avez pas marre des balles de mousse anti-stress avec votre joli logo dessus ?Hein, parce que je suis stressé moi ? Tu penses que j’en ai besoin de ta boule de plastoc hybride entre jouet pour chien et hochet pour mioche hyperactif, c’est ça ? Y a un truc que j’ai dit ou fait qui te pousse à croire que je suis stressé ? Tu crois réellement qu’en malaxant ton truc j’aurais plus envie d’aller acheter chez toi ? Eh ben, QUE DALLE, je suis peut-être stressé, mais je t’emm… et c’est pas ta boule de gomme qui va y changer quelque chose !

Vous n’en n’avez pas marre des porte-clés avec votre joli logo dessus ? Bien sûr que je vais y accrocher les clés de ma maison ou de ma bagnole. Mais tu rêves ou quoi ? Au mieux j’y collerai celle de la cabane au fond du jardin, quand j’aurais une maison de campagne. (Et soit dit en passant je vous promets que si un jour j’achète une maison de campagne, il y aura une cabane au fond du jardin). Si vous voulez faire une allusion aux clés, faites plutôt l’année de « promis on tient nos engagements et on finit pas en retard, comme ça vous pourrez donner à l’heure les clés au client ».

Vous n’en n’avez pas marre des calendriers, des cahiers, des stations météo, des portes post-it, des pinces et tournevis, des tire-bouchons et de tous ces petits objets avec votre joli logo dessus. Vous savez combien ça coûte de faire ces conneries ? Ben oui parfaitement, quasiment rien, et ça vous mets pas la puce à l’oreille ? Evidemment comme il y a votre logo dessus, y’a peut-être plus la place pour écrire le « Made In » qui correspond. Mais si vous savez, le « Made In  enfants de 10 ans au fond d’un trou à rat surveillé par un garde chiourme violeur » ? Et tout ça pour que ça finisse dans une boîte
au fond d’un trou !  L’objet bien sûr, pas l’enfant, même si finalement son sort n’est pas plus enviable.

En plus j’ai du bol, j’ai plein de fournisseurs qui m’ont enregistré, un coup Nom + Prénom et un coup Prénom + Nom, ce qui me fait deux coups de pubs pour le prix d’un… Génial non ? C’est vraiment là que tu apprécies la personnalisation de l’envoi. Oh une règle en plastique avec un joli logo dessus et … oh un joli logo avec une règle en plastique en dessus… Quel plaisir… et … oh ben elles font même pas la même taille en plus, oh il est content, vraiment fallait pas !!!

Ben non FALLAIT PAS !!!

Et de toute façon n’allez pas croire que le 2 janvier je me dis « allez, le premier qui m’envoie un décapsuleur, je luis fais signer un marché d’un million d’euros ». Ben non, ça marche pas comme ça, c’est ballot non ?

Allez faites un effort ! Arrêtez d’envahir nos espaces avec vos boules puantes avec un joli
logo dessus. Si vous souhaitez marquer l’attention et vous rappeler à notre bon souvenir, faites quelque chose de concret, d’utile au business, de valorisant pour vos collaborateurs, de symbolique de votre savoir-faire (que celui qui a dit « pour un plombier ? Une lunette de chiotte en bois avec un logo dessus ?! » sorte immédiatement). Non sérieux, quitte à faire quelque chose, faites le bien. Et si vous n’avez pas d’idées, ne faites rien, je vous en voudrai pas pour ça.

Ouf ça va mieux…

J’avais besoin que ça sorte…

Bon où j’lai mise ?

Ah ma petite boule anti-stress de chez Construction&Co, tu me manquais tu sais !!!

Catégories :BTP Métier

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Lyrkhan

Je m’appelle..., et puis quoi encore... (l’anonymat dans certaines situations est vital) et je suis ingénieur dans le BTP.

Depuis 1988 je travaille dans le Bâtiment, formé à l’ESTP (Ecole Spéciale des Travaux Publics) où je me suis plus illustré au Journal interne et aux aventures Théâtrales, qu' en assistant aux passionnants amphithéâtres de RDM*. J’y ai cependant appris à aimer le travail d’équipe et le plaisir de réussir des projets.

J’ai, majoritairement passé ma carrière à rénover des Bâtiments Parisiens et cette passion du « construire ensemble » m’a toujours guidée au cours de mes nombreux chantiers.

Et si je parle de passion, c’est qu’il en faut une certaine dose pour apprécier de faire ce métier chronophage, protéiforme et viril, où l’on s’appelle plus souvent « ma couille » (il faudra vous y faire) que « cher ami », surtout si l'on préfère l’univers de Boris Vian et Pierre Desproges à la lecture assidue du BAEL** ou des DTU***.

Malgré ce décalage, je n’ai jamais perdu cette passion du métier, parce que les aventures humaines sont finalement toujours plus importantes que les calculs aux éléments finis, parce qu’un con debout va toujours plus loin que deux ingénieurs assis (ah je vous avais prévenu) et enfin parce que bien que souvent suspecté d’être un atypique « qui n’aime pas les cases », j’ai apporté ma pierre à ces aventures pour mon grand plaisir et pour la réussite des projets.

Aujourd’hui, je suis passé de suspect qui se cache à coupable qui l’assume, voire le revendique.

L’aventure est dans le partage, alors je vous présente, à travers des témoignages, des observations et des critiques : un rapport d’étonnement de… presque 30 ans.

il était temps que je l’écrive.

(*) RDM : Résistance des Matériaux : Tous les matériaux ne résistent pas de la même manière. Belle évidence non ? Eh bien, il faut croire que cela ne suffit pas, puisque des ingénieurs en ont fait une science qui permet de calculer si un pont tient mieux avec du métal qu'avec des élastiques.

(**) BAEL : Béton armé à l’Etat Limite : Méthode de calcul du béton armé dont je serai totalement incapable de vous préciser le début du commencement du préliminaire et franchement je n’ai pas honte.

(***) DTU : Documents Techniques Unifiés : Titanesque recueil de méthodes de construction qui regroupe tout le savoir-faire du BTP. « La bible » comme disent certains, et comme toute bible, il y a les ultra-conservateur qui s’y réfèrent oblitérant toute tentative d’interprétation aussi mineure soit-elle. Toute relation avec des événements récents est totalement assumée.

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