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EPISODE N° 45 – M’enfin !!!

45J’ai une admiration infinie pour Franquin.

Et plus particulièrement pour Gaston Lagaffe. Cet employé de bureau, chargé principalement de répondre au courrier des lecteurs et qui emploie toute son ingéniosité à, indifféremment et toujours avec talent, inventer des machines extraordinaires, nourrir ces animaux domestiques, jouer avec Jules de chez Smith en face ou flirter avec Mademoiselle Jeanne.

Quand il ne fait pas foirer la signature des contrats avec l’horripilant M. de Maesmaeker, il s’échine à améliorer le monde. Anarchiste, Ecologiste, Humaniste avant tout, il est de tous les combats, sans pour autant chercher à en tirer la moindre gloire ou la moindre compensation.

Bien que systématiquement brimé par une hiérarchie intermédiaire qui ne comprend pas la valeur ajoutée de cet énergumène perturbateur de l’ordre établi, il se maintient à son poste grâce au soutien de M. Dupuis lui-même, grand patron des éditions éponymes. Ce piston indéfectible et incompréhensible augmentant d’ailleurs la défiance de son chef, devant naviguer à vue pour essayer de le manager.

Quant à ses collègues, ils sont autant de compagnons de jeux, de cobayes ou de victimes de ses expériences farfelues. Cependant, ils l’admirent même s’ils apprécient peu sa nonchalance alors qu’eux triment comme des fous pour rendre à l’heure leurs travaux en échappant aux rires moqueurs de la mouette ou aux griffes acérées du chat (et je passe sous silence la souris ou la tortue).

Maintenu en poste par un Directeur visionnaire, incompris de son supérieur et adulé par ses collègues, Lagaffe vit sa vie professionnelle en complète interpénétration avec ses convictions personnelles sans jamais se laisser happer par l’ambition ou la pression sociale.

Gaston Lagaffe a poussé la porte de la rédaction de SPIROU en…. ? (Allez, essayez de deviner !)  … 1960 !!! Plus de cinquante ans après, vous ne trouvez pas que cela sonne toujours aussi juste ? Effectivement « Rognnntudjuuu » raisonne beaucoup plus rarement à travers nos open-space aseptisés, mais l’esprit reste le même.

Le regard mi- exaspéré, mi- outragé, mi- affectueux (oui ça fait un mi de trop, mais je n’arrive pas à me décider à en biffer un, et un tiers, un tiers, un tiers, je trouve que c’est trop lourd à digérer), que portent des hiérarchies carriéristes sur des troublions inventifs reste le même.

Et puis quoi ? Lagaffe n’est pas un feignant, loin de là, il se consacre aux tâches qui le motivent et pas plus. Mieux encore, il est hyper créatif et totalement dévoué à son entreprise. Quand il est mis au défi de ranger son bureau ou de classer le courrier des lecteurs en retard il déploie une intelligence rare et trouve des solutions totalement adaptées à la situation. Ok, il n’a pas un sens du profit exacerbé, mais tant d’autres s’en charge pour lui, qu’il serait dommage de se priver de son imagination débordante.

Ce qui est également frappant, c’est sa capacité à être à l’écoute des nouvelles technologies et de s’en inspirer, de les détourner pour les mettre à profit. La miniaturisation est à la mode, hop, il invente une tondeuse si petite qu’elle passe entre les marguerites qu’il déteste couper. Il s’attaquera avec le même bonheur à l’air bag ou à la ceinture de sécurité. L’électronique n’a aucun secret pour lui, tout comme la chimie appliquée aux gaz hilarants ou à la peinture sans odeur.

Il est également totalement impliqué dans les grandes causes de son époque, Green Peace et la chasse aux baleines, l’anti-militarisme face à l’emploi abusif du mur du son en pleine campagne, la défense de l’automobiliste face aux parcs mètres illégitimes et j’en passe. Il est convaincu par l’écologie et la préservation des ressources allant même jusqu’à inventer une machine à recycler le papier tout en récupérant l’encre.

Un petit air de déjà vu ?

A l’heure où l’on parle tant d’équilibre vie privé-vie perso, où les diatribes sur les conflits générationnels (X, Y & Cie) fleurissent, il est bon de constater qu’il ne s’agit que d’un éternel recommencement. Quelque soit l’époque, les jeunes arrivent dans les entreprises avec leurs rêves, leurs espoirs et leur technologie. Ils en usent, en abusent peut-être, mais comment le leur reprocher ? Et d’ailleurs, pourquoi leur reprocher ?

Ah, oui, c’est cela !!! Ils ne donnent pas l’impression « d’en vouloir », ils sont feignant parce qu’ils rechignent à obéir à des ordres dont ils ne saisissent pas l’intérêt, ils préfèrent chater sur Facebook plutôt que de discuter du dernier match des bleus à la machine à café…

Et ? Ah oui, exact ! C’est insupportable cette façon de toujours vouloir changer de boulot pour apprendre d’autres choses. Et de faire du sport le midi ou de partir tôt pour aller chercher les enfants, oui c’est vrai, c’est lourd de ne pas pouvoir compter sur eux après dix-huit heures… Et ils envoient des mails à 22h (voire même le dimanche, si, si ça existe !) depuis leur smart phone, non mais c’est vrai quoi, c’est n’importe quoi.

Non ?!!! Ils prennent des vacances ? Longues ? Pour ? Aller découvrir le monde ! Pire ? Faire de l’humanitaire… Et en dehors des périodes de vacances scolaires, en plus… Non mais franchement, de qui se moque-t-on, je suis bien d’accord !!!

C’est vrai, je vous comprends, dites voir… ça va pas être un peu long jusqu’à la retraite non ?

Catégories :Réflexion

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Lyrkhan

Je m’appelle..., et puis quoi encore... (l’anonymat dans certaines situations est vital) et je suis ingénieur dans le BTP.

Depuis 1988 je travaille dans le Bâtiment, formé à l’ESTP (Ecole Spéciale des Travaux Publics) où je me suis plus illustré au Journal interne et aux aventures Théâtrales, qu' en assistant aux passionnants amphithéâtres de RDM*. J’y ai cependant appris à aimer le travail d’équipe et le plaisir de réussir des projets.

J’ai, majoritairement passé ma carrière à rénover des Bâtiments Parisiens et cette passion du « construire ensemble » m’a toujours guidée au cours de mes nombreux chantiers.

Et si je parle de passion, c’est qu’il en faut une certaine dose pour apprécier de faire ce métier chronophage, protéiforme et viril, où l’on s’appelle plus souvent « ma couille » (il faudra vous y faire) que « cher ami », surtout si l'on préfère l’univers de Boris Vian et Pierre Desproges à la lecture assidue du BAEL** ou des DTU***.

Malgré ce décalage, je n’ai jamais perdu cette passion du métier, parce que les aventures humaines sont finalement toujours plus importantes que les calculs aux éléments finis, parce qu’un con debout va toujours plus loin que deux ingénieurs assis (ah je vous avais prévenu) et enfin parce que bien que souvent suspecté d’être un atypique « qui n’aime pas les cases », j’ai apporté ma pierre à ces aventures pour mon grand plaisir et pour la réussite des projets.

Aujourd’hui, je suis passé de suspect qui se cache à coupable qui l’assume, voire le revendique.

L’aventure est dans le partage, alors je vous présente, à travers des témoignages, des observations et des critiques : un rapport d’étonnement de… presque 30 ans.

il était temps que je l’écrive.

(*) RDM : Résistance des Matériaux : Tous les matériaux ne résistent pas de la même manière. Belle évidence non ? Eh bien, il faut croire que cela ne suffit pas, puisque des ingénieurs en ont fait une science qui permet de calculer si un pont tient mieux avec du métal qu'avec des élastiques.

(**) BAEL : Béton armé à l’Etat Limite : Méthode de calcul du béton armé dont je serai totalement incapable de vous préciser le début du commencement du préliminaire et franchement je n’ai pas honte.

(***) DTU : Documents Techniques Unifiés : Titanesque recueil de méthodes de construction qui regroupe tout le savoir-faire du BTP. « La bible » comme disent certains, et comme toute bible, il y a les ultra-conservateur qui s’y réfèrent oblitérant toute tentative d’interprétation aussi mineure soit-elle. Toute relation avec des événements récents est totalement assumée.

1 réponse

  1. M’enfinnn ! un vrai et beau hommage à notre Gaston national qui sait si bien résister aux envahisseurs de pensées obsolètes ou si peu magnanimes comme d’autres résistent encore et toujours à leurs façons aux envahisseurs !

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