Je voudrais remercier Léa Salamé, journaliste émérite de France Inter, de m’avoir inspiré le thème de ce nouvel épisode.
Au cours d’une récente interview accordée à la toute nouvelle Ministre de l’écologie du gouvernement Canadien, elle souligne le fait que ce gouvernement a été désigné le plus « Cool » du monde. Ce trophée consacre une équipe jeune, comprenant des représentants de la société civile, un handicapé et une « certaine diversité ». Avec la question associée : « Est-ce qu’un gouvernement doit être crédible, professionnel ou cool ? »
Et merci, merci à Catherine McKenna, d’avoir ri à cette question débile, en répliquant qu’il est tout à fait possible d’être les trois à la fois !!!
Cerise sur le gâteau, ce gouvernement s’honore de la présence de 50% de femmes, et Léa continue en posant la question : « mais est-ce qu’il n’y a pas un aspect de comm’, est-ce que c’est pas un affichage et de belles paroles, des femmes et du multi-culturalisme, va falloir prouver maintenant !!! » sic !
J’ai tellement halluciné en entendant ça, que je suis retourné écouter le podcast pour être certain que c’était bien une femme qui avait posé une question aussi incroyable !!! Tiens, j’vous mets le lien pour que vous puissiez vous faire une idée : Interview – VIDEO – Pour les plus pressés la question qui tue est aux environs d’1m45 !
Remarquez, il est vrai qu’une armée de ministres de 50 ans et plus, ayant déjà pratiqué plus de vingt ans de mandats divers (et avariés, désolé ça m’a échappé) et siègent dans 200 commissions, délégations ou groupes d’études, n’a plus grand choses à prouver et on sait bien à quoi s’attendre !!!
Surtout que ces études parlementaires traitent de choses souvent formidables comme ce « Rapport d’information de la commission du développement durable sur les maladies de la vigne et du bois. » Je serais le premier chafouin si la vigne développait une maladie transmissible à l’homme (à part l’alcoolisme évidemment, mais on ne peut pas vraiment considérer ça comme une maladie… si ? hmmm, alors pourquoi on continue à faire de la pub dessus ?… Bon allez je garde ça pour un autre épisode)
J’ai trouvé ça aussi tiens ! « Rapport d’information de la commission des finances préalable au débat d’orientation des finances publiques ». C’est donc le rapport qui précède le début du commencement de la discussion préalable aux premières décisions d’orientation des débats qui ne manqueront pas de préparer les vraies discussions qui arriveront certainement un peu plus tard !!!
Et cerise sur le gâteau !!! Essayez de deviner quand le budget 2015 de l’état a été validé au Parlement ? Le 17 Décembre… 2015. Oui, Oui vous avez bien lu 2015 pas 2014… J’ai vérifié deux fois. Moi j’dis, qu’il faut quand même faire attention, il reste 14 jours à tenir, faudrait voir à rester prudent sur les prévisions… En même temps, faire ton budget une fois que tu as fait tes dépenses, offre l’avantage non négligeable d’avoir des comptes justes. C’est seulement au moment de négocier ton augmentation que la situation est délicate finalement.
« Alors voilà chef, j’ai un déficit 2015 de 3,8% (enfin ça c’est ce que je vous avais dit l’année dernière) qui est plutôt de 4,5% maintenant qu’on a fini l’année, et je viens donc solliciter votre bienveillance pour me gratifier d’une augmentation idoine et rétroactive permettant de calmer mon banquier et de promettre à mes enfants que nous continuerons à aller aux Maldives tous les étés. Et attention, si vous osez me dire non, parce que c’est la crise ou autre, je dis à mes enfants que c’est de votre faute qu’on partira plus aux Maldives et que les patrons c’est tous des salauds et qu’il faudra voter CGT ou SUD quand ils seront grands pour tout faire péter !!!»
Fermons la parenthèse et revenons sur cet aspect du « va falloir prouver ».
Je le trouve particulièrement symptomatique de notre société actuelle. Que ce soit sur un plan politique, culturel, professionnel, la nécessité de « prouver » devient centrale, cruciale, névralgique même.
J’ai récemment eu le plaisir de rencontrer brièvement Emmanuelle DUEZ (dont je vous recommande la VIDEO – WoMen’UP) qui parsème ses interventions, d’études « qui prouvent que ». Alors que je lui signifiais mon étonnement sur cette pratique, elle sourit en me disant, « oui, quand on a moins de 30 ans et que l’on est une femme, il faut avoir des preuves solides pour convaincre les CODIR de nous écouter ».
Et d’ajouter : « alors quand j’ai des intuitions sur des tendances sociales ou comportementales, je lance une étude qui permet de conforter mon point de vue ». Moi, quand j’entends ça, une voix me dit : « c’est top, voilà une démarche saine et professionnelle » et une autre (oui j’ai une petite tendance schizophrénique, mais ça va mieux merci, je me soigne) : « tu es le premier à savoir, que l’on peut faire dire à peu près ce qu’on veut aux chiffres, elle ne serait pas en train de te manipuler là ? »
Hmmm ? Vous en pensez quoi vous ?
Oui, j’aurais tendance à être d’accord avec vous, peu importe la méthode, on peut toujours mettre de côté la façon d’y arriver pour s’intéresser aux résultats. La preuve qu’un gouvernement est bon par exemple serait que le chômage baisse, les impôts soient raisonnables et que l’on gagne la coupe du monde de Football. C’est vrai non ? Ce sont toujours à peu près les mêmes promesses faites en campagne, sur la base desquelles on vote pour un candidat.
Et dites-moi, c’était pas un peu le résultat du gouvernement Jospin ça ? Et rappelez-moi combien il a fait au premier tour des élections en 2002 ? « Ah, mais c’est pas la même chose, la gauche était divisée, Jospin manquait de charisme, et patati et patata… » me répondrez-vous, «Eh puis, il a profité d’une conjoncture internationale favorable, et d’un prix du pétrole faible, etc… ». Bref, n’importe qui d’autre aurait pu faire aussi bien, à vous écouter. Sauf que c’est lui qui l’a fait et que c’est lui qu’a pas été élu !!! Je ne suis pas plus Jospiniste que ça, je veux juste essayer de démontrer que la « preuve sur le résultat final » fonctionne à peine mieux.
Alors quoi ? On arrête de vouloir des preuves ? Ben des fois j’aurais tendance à dire « Oui ! Chiche »
L’art de devoir « prouver avant de décider » peut-être paralysant. Aucun gouvernement ne peut prendre de décisions sans que preuve soit faite a priori qu’une, elle repose sur des faits prouvés et deux, qu’elle aura les effets attendus. Avec ce genre de raisonnement Il a fallu combien de temps et de morts pour prouver que le tabac était cancérigène ? Alors on s’appuie sur des experts, des commissions, des rapports en tout genre et la boucle est bouclée.
D’autant que si vous mettez trois experts face à face, (c’est pas facile d’ailleurs tiens…) ils auront trois avis diamétralement opposés… (ben de mettre trois personnes face à face, c’est comme le diamètre, ça marche avec deux mais pas avec trois…)
Donc autant d’experts, autant d’avis, ajoutez à cela que réaliser ces études coûte des blindes (à prendre sur les 3,8% de déficit ?) et que les lobbys ont largement plus de moyen de faire des contre-études plus pertinentes, et vous obtenez les impasses décisionnelles sus-mentionnées.
Ben alors on fait rien alors ? Loin de moi cette idée. Mais si on arrêtait de se cacher derrière des chiffres !
Si on prenait des décisions sur des intuitions et des projets d’avenir et de société.
Bref si l’on faisait de la politique dans son acception de Politeia et non Politikè. La politique comme réflexion et organisation des interactions internes et externes d’un ensemble d’individu et non comme seule finalité, la pratique (voire la confiscation) du pouvoir.
Si l’on ramène ça dans le monde de l’entreprise, on voit bien la différence entre ceux qui sont au sommet parce qu’ils ont une vision d’avenir forte Politeia et ceux qui sont montés par seul attrait de l’exercice du pouvoir Politikè. Ceux que l’on a envie de suivre et ceux que l’on subit. Ceux qui ont des stratégies d’entreprises et ceux qui ont des stratégies personnelles.
Et en politique, quand un parti « populiste » (c’est-à-dire qui parle au peuple) se positionne sur l’immigration, l’euro(pe), et … ????, et c’est à peu près tout, il fait de toute façon plus de politeia, que celui qui explique que c’est lui qu’à tout fait ce qui va bien et que c’est la faute des autres pour ce qui va pas et que donc y faut voter pour lui, parce que… parce que…. Ben, parce que !!!
Ça serait quand même dingue que l’on élise une Dictatrice, parce que… parce que… Ben parce que !!!
Catégories :Réflexion
Lyrkhan
Je m’appelle..., et puis quoi encore... (l’anonymat dans certaines situations est vital) et je suis ingénieur dans le BTP.
Depuis 1988 je travaille dans le Bâtiment, formé à l’ESTP (Ecole Spéciale des Travaux Publics) où je me suis plus illustré au Journal interne et aux aventures Théâtrales, qu' en assistant aux passionnants amphithéâtres de RDM*. J’y ai cependant appris à aimer le travail d’équipe et le plaisir de réussir des projets.
J’ai, majoritairement passé ma carrière à rénover des Bâtiments Parisiens et cette passion du « construire ensemble » m’a toujours guidée au cours de mes nombreux chantiers.
Et si je parle de passion, c’est qu’il en faut une certaine dose pour apprécier de faire ce métier chronophage, protéiforme et viril, où l’on s’appelle plus souvent « ma couille » (il faudra vous y faire) que « cher ami », surtout si l'on préfère l’univers de Boris Vian et Pierre Desproges à la lecture assidue du BAEL** ou des DTU***.
Malgré ce décalage, je n’ai jamais perdu cette passion du métier, parce que les aventures humaines sont finalement toujours plus importantes que les calculs aux éléments finis, parce qu’un con debout va toujours plus loin que deux ingénieurs assis (ah je vous avais prévenu) et enfin parce que bien que souvent suspecté d’être un atypique « qui n’aime pas les cases », j’ai apporté ma pierre à ces aventures pour mon grand plaisir et pour la réussite des projets.
Aujourd’hui, je suis passé de suspect qui se cache à coupable qui l’assume, voire le revendique.
L’aventure est dans le partage, alors je vous présente, à travers des témoignages, des observations et des critiques : un rapport d’étonnement de… presque 30 ans.
il était temps que je l’écrive.
(*) RDM : Résistance des Matériaux : Tous les matériaux ne résistent pas de la même manière. Belle évidence non ? Eh bien, il faut croire que cela ne suffit pas, puisque des ingénieurs en ont fait une science qui permet de calculer si un pont tient mieux avec du métal qu'avec des élastiques.
(**) BAEL : Béton armé à l’Etat Limite : Méthode de calcul du béton armé dont je serai totalement incapable de vous préciser le début du commencement du préliminaire et franchement je n’ai pas honte.
(***) DTU : Documents Techniques Unifiés : Titanesque recueil de méthodes de construction qui regroupe tout le savoir-faire du BTP. « La bible » comme disent certains, et comme toute bible, il y a les ultra-conservateur qui s’y réfèrent oblitérant toute tentative d’interprétation aussi mineure soit-elle. Toute relation avec des événements récents est totalement assumée.
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